Laure Ménéménis
J’étais juriste et je suis devenue haut fonctionnaire”
- Pouvez-vous vous présenter et présenter votre parcours avant votre entrée à l’ENA (origine familiale et géographique, valeurs, parcours professionnel, engagements divers…)?
Plutôt classique, pardonnez-moi, mon parcours a été le fruit d’un cheminement assez long vers l’ENA. Après une classe préparatoire en lettres supérieures et un master 2 en droit public de l’économie à l’Université Paris II, j’ai exercé comme chargée de missions à l’UGAP, avant de rejoindre la Société du Grand Paris en tant que responsable juridique. Dix ans d’expérience professionnelle dans le cadre de deux établissements publics différents et de fonctions différentes m’ont ainsi permis de développer des compétences en droit public, ainsi que des savoir-faire en encadrant une équipe à l’UGAP et en participant à la création d’une structure nouvelle - la Société du Grand Paris.
- Pouvez-vous décrire la ou les expériences les plus enrichissantes de votre carrière de haut fonctionnaire ? Les moments clés de votre parcours ?
Si ma carrière de haut fonctionnaire en est encore à son aurore (j’ai été titularisée en octobre dernier), le chemin pour y parvenir est déjà très riche. La scolarité à l’ENA comporte en effet trois stages, effectués dans des univers variés et passionnants. A l’OFPRA, j’ai pu assister à des entretiens de demandes d’asile. Le si renommé « stage préfecture », dans le Grand Est, m’a permis tout à la fois d’assister à la naissance de la collectivité européenne d’Alsace, de réfléchir à l’organisation de compétitions sportives transfrontalières et d’accueillir le Président de la République sur le tarmac de l’aéroport. Chez Coallia, j’ai exploré les différences facettes de l’hébergement d’urgence et du logement accompagné. De plus, la scolarité ayant été suspendue pendant le premier confinement, l’opportunité qui m’a été offerte de rejoindre la direction générale des entreprises au ministère de l’Economie a été l’occasion de travailler sur les modalités des aides à mettre en place pour soutenir l’économie.
- Que vous a apporté le fait de faire l’ENA ? EN quoi avez-vous grandi ?
Passer le concours de l’ENA est un défi, le réussir une fierté qui m’a donné une plus grande confiance en moi. ”Faire l’ENA” permet de s’engager pleinement au service de l’intérêt général, ouvre la voie à une carrière riche et variée, et offre la possibilité d’accéder à de (plus) hautes responsabilités, indispensables pour développer et faire partager une vison plus stratégique des enjeux de l’action publique. J’ajouterai un bonus, celui de ”faire promotion” à l’ENA ; grâce à lui, vous aurez l’opportunité de découvrir des personnalités exceptionnelles pendant votre scolarité. L’ENA fait grandir, c’est certain. La scolarité est enrichissante, certes. Mais ce que j’en retire de plus personnel, c’est l’humilité à laquelle elle nous soumet : vous étiez sur un poste à responsabilités, et vous vous retrouvez stagiaire ; vous étiez reconnu dans votre domaine de compétence, et vous devez vous aguerrir à des sujets tout autre.
- En quoi le fait d’être devenu haut fonctionnaire après une première vie professionnelle, a-t-il constitué un atout dans votre contribution à la mise en œuvre d’une politique publique ? de réformes ? N’hésitez pas à donner un exemple.
Je suis encore trop ”jeune” au sein de la haute fonction publique pour répondre à cette question, mais j’espère pouvoir mettre mon expérience au service de la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France. Il parait d’ailleurs que mes (menues) compétences en matière de contrats publics pourraient s’avérer utiles dans le contrôle de la gestion des marchés publics passés par les collectivités.
- Pourriez-vous partager une anecdote qui est particulièrement mémorable d’une situation professionnelle au cours de votre carrière ?
Le choix est cornélien…La demande que m’a faite l’Elysée pendant mon stage préfecture de choisir les bouquets de fleurs que le Président de la République devait remettre à l’issue d’une cérémonie de décorations ?
- Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui, après une première expérience dans le privé, souhaite s’engager au service de la puissance publique ?
Tout d’abord, bien mûrir son projet. Servir l’intérêt général est un objectif fort louable, mais il comporte des sacrifices : de temps, financiers, notamment.
Ensuite s’interroger sur ce que représente réellement pour vous le service public, à l’exclusion de toute considération liée au prestige (supposé) de l’ENA. Je ne veux pas dire que celle-ci n’a pas sa place, elle est toujours présente plus ou moins subrepticement dans nos têtes, mais elle ne peut à l’évidence suffire.
Enfin ne pas faire de la réussite au concours de l’ENA un but ultime et absolu. Le concours est par nature aléatoire, et s’agissant d’épreuves qui ne sont pour la plupart pas des épreuves de connaissances, l’ardeur au travail ne paie pas toujours. Et en tout état de cause, il existe de multiples façons de servir l’intérêt général en dehors de l’ENA !
- Enfin, en quelques mots…
- Les causes qui vous tiennent à cœur : la lutte contre les inégalités
- Une lecture inspirante : ”Messieurs les ronds-de-cuir” (Courteline), pour déconstruire cette image d’une administration poussiéreuse
- Une citation qui vous inspire : ”Le courage est le juste milieu entre la peur et l’audace” (Aristote)
- Le meilleur conseil qu’on vous ait donné : ”Fais comme tu peux” (ma mère)